Les chercheurs du CNRS (laboratoires IN2P3 (1) et INSU (2)) et du CEA-DAPNIA
(3), dans le cadre de la collaboration internationale HESS, viennent d’annoncer
la découverte d’une émission périodique de photons gamma de très haute énergie
en provenance d’un système binaire.
L’objet responsable de cette émission est un système double appelé LS 5039,
constitué d’une étoile bleue massive (20 fois plus lourde que le Soleil) autour
de laquelle orbite un objet compact encore non identifié qui pourrait être un
trou noir galactique. Lorsqu’il plonge vers l’étoile géante bleue, le
compagnon compact est exposé au « vent » stellaire violent et à la lumière
intense émis par l’étoile. Cela permet l’accélération de particules à de
hautes énergies, mais, dans le même temps, gêne l’échappement des rayons gamma
produits par ces particules (en fonction de l’orientation du système par
rapport à nous). L’interaction de ces deux effets produit un motif complexe de
modulation.
C’est le signal périodique d’énergie la plus élevée jamais détecté,
près de 100 000 fois plus que ce que l’on connaissait auparavant.
Cette découverte permet de mieux localiser la source de rayonnement gamma dans
l’environnement de LS 5039 et ouvre la voie à une meilleure compréhension de la
dynamique de tels systèmes binaires.
Dans une publication récente du journal Astronomy & Astrophysics
(lien vers PDF),
la collaboration internationale HESS a annoncé la découverte d’une émission
périodique de rayons gamma de très haute énergie en provenance du système
binaire LS 5039. Dans notre Galaxie, plus de 80% des étoiles sont membres de
systèmes multiples (doubles, triples, ...) constitués de plusieurs étoiles en
orbites les unes autour des autres. Les étoiles isolées, telle le Soleil, sont
une minorité. Le système LS 5039 (voir la figure ci-contre) est constitué
d’une étoile bleue massive autour de laquelle orbite un objet compact encore
mal connu, qui pourrait être un trou noir galactique.
Ces deux astres sont en orbite très serrée, leur distance variant entre 2
et 4 fois le rayon de l’étoile (environ un dixième de la distance Terre-Soleil)
avec une période de révolution de 3,9 jours, confirmée par HESS avec une
précision meilleure que 0,04%.
L’équipe de HESS a mis en évidence une émission gamma périodique, dont
l’intensité est maximale lorsque l’objet compact est en avant de l’étoile et
minimale, mais non nulle, lorsqu’il est en arrière (figure ci-après). « De
plus, nous avons découvert que la distribution énergétique des rayons gamma
varie fortement au cours de l’orbite, avec notamment un excès de rayons gamma
de haute énergie dans l’état de haute intensité », note Gavin ROWELL,
chercheur dans HESS (travaillant alors à l’institut Max Planck de Physique
Nucléaire, MPI-K).
Cette émission gamma trouverait son origine dans l’interaction violente
entre l’objet compact et le vent stellaire (un flux de particules accélérées
dans l’atmosphère de l’étoile et responsable, dans le cas du Soleil, des orages
magnétiques et des aurores boréales observées sur Terre). L’objet compact, en
parcourant son orbite, agirait ainsi comme une sonde de l’environnement
électromagnétique de l’étoile : l’intensité du vent stellaire, le rayonnement
optique et ultraviolet de l’étoile et le champ magnétique changent en fonction
de la distance à l’étoile, ce qui influence le processus d’accélération de
particules près de l’objet compact. Une autre implication de cette découverte
serait que l’accélération de particules responsables de l’émission a lieu à
petite distance de l’étoile, distance similaire à la distance Terre-Soleil.
En outre, un effet géométrique rajoute une modulation au flux des rayons
gamma observé depuis la Terre. On sait depuis Einstein et la célèbre formule
de l’équivalence matière-énergie (E=mc²) que des paires de
particules-antiparticules peuvent s’annihiler mutuellement pour donner de la
lumière. Symétriquement, quand les rayons gamma très énergétiques rencontrent
la lumière de l’étoile massive, ils peuvent être convertis en matière (une
paire électron-positon dans ce cas). Ainsi, la lumière de l’étoile agit comme
un brouillard pour les rayons gamma, les absorbant quand leur source — l’objet
compact — est en arrière de l’étoile, et alors est partiellement éclipsée.
« L’absorption périodique des rayons gamma est une jolie illustration de la
production de paires matière anti-matière par de la lumière, mais elle
obscurcit aussi notre vue de l’accélérateur de particules dans ce système »
explique Guillaume DUBUS, du Laboratoire d’Astrophysique de Grenoble.
La modulation observée par HESS trouverait alors son origine à la fois dans
une modulation, le long de l’orbite, des processus d’accélération de particules
(et de production de rayons gamma) et dans l’effet géométrique dû au
« brouillard ». « C’est la première fois dans l’histoire de l’astronomie
gamma de très haute énergie qu’on assiste en quelque sorte à une expérience
répétée, évoluant, d’accélération de particules dans un environnement bien
déterminé » dit Mathieu DE NAUROIS, du Laboratoire de Physique Nucléaire et
de Hautes Énergies, à Jussieu.
La découverte de la collaboration HESS de cette horloge orbitale, grâce à
la précision de ses mesures, ouvre la voie à une meilleure compréhension de
l’environnement des trous noirs, étoiles à neutrons, et plus généralement des
sites d’accélération de particules dans l’Univers.
Notes sur HESS
La collaboration HESS :
Les télescopes HESS (High Energy Stereoscopic System, système
stéréoscopique de haute énergie) sont le résultat de plusieurs années d’efforts
par une collaboration internationale de plus de 100 scientifiques et ingénieurs
en provenance d’Allemagne, France (voir encadré), Grande-Bretagne, Irlande,
République Tchèque, Arménie, Afrique du Sud, Pologne et du pays hôte, la
Namibie.
L’instrument a été inauguré en septembre 2004 par le Premier ministre de
Namibie, Theo-Ben Gurirab, et les premières observations ont déjà permis de
nombreuses découvertes importantes, dont la première image astronomique résolue
d’un reste de supernova en rayons gamma de haute énergie. La France participe
à son financement à hauteur d’un tiers.
Le détecteur :
L’expérience HESS située en Namibie, dans le sud-ouest de l’Afrique,
utilise quatre télescopes de 13m de diamètre qui forment actuellement le
détecteur de gammas de très haute énergie le plus sensible au monde. Les rayons
gamma qui pénètrent dans l’atmosphère génèrent une cascade de particules. Ces
particules émettent un flash de lumière bleue peu intense, appelée lumière
Tcherenkov
et ne durant que quelques milliardièmes de seconde. Cette lumière
est réfléchie par des miroirs de 107 m² puis enregistrée par des caméras
ultra-sensibles. Chaque image permet de calculer l’énergie et la direction
d’arrivée dans le ciel d’un photon gamma. Cette direction correspondant à une
position sur la sphère céleste, HESS peut ainsi cartographier les objets
célestes émettant un rayonnement gamma de haute énergie.
Projet à venir :
Les chercheurs impliqués dans HESS sont en train de continuer à améliorer
le système de télescopes installé en Namibie. La construction d’un télescope
central de plus de 30 m de diamètre est en cours, avec la participation de
nouvelles équipes européennes comme celle de la Pologne. Le dispositif plus
performant, appelé HESS-II, sera plus sensible et couvrira une gamme
d’énergie plus large permettant ainsi aux chercheurs de HESS d’augmenter la
catalogue des sources et de faire de nouvelles découvertes.
Les laboratoires français de la collaboration internationale
HESS sont les suivants :
Laboratoires du CNRS/IN2P31 :
• LPNHE (Laboratoire de Physique Nucléaire et de Hautes Énergies)
Univ. Paris VI-VII, Paris
http://www-lpnhep.in2p3.fr/
• LLR (Laboratoire Leprince-Ringuet)
École Polytechnique,
Palaiseau
http://polywww.in2p3.fr/
• APC (AstroParticule et Cosmologie)
Université Paris VII Denis Diderot, Paris
http://www.apc.univ-paris7.fr/
• LPTA (Laboratoire de Physique Théorique et Astroparticules)
Université de Montpellier II
http://www.lpta.univ-montp2.fr/
• LAPP (Laboratoire d’Annecy-le-vieux de Physique des Particules)
Université de Savoie, Annecy
http://lappweb.in2p3.fr/
Laboratoires du CNRS/INSU2 :
• LAOG (Laboratoire d’Astrophysique de Grenoble)
Université Joseph Fourier
http://www-laog.obs.ujf-grenoble.fr/
• LUTH (Laboratoire Univers et Théories)
Observatoire de Paris, Meudon
http://luth2.obspm.fr/
• CESR (Centre d’Étude Spatiale des Rayonnements)
Université Paul Sabatier, Toulouse
http://www.cesr.fr/
Laboratoire du CEA/DSM3 :
• DAPNIA (Département d’Astrophysique, de physique des Particules, de physique Nucléaire et de l’Instrumentation Associée),
Saclay
http://www-dapnia.cea.fr/
Notes :
(1) IN2P3 : Institut National de Physique Nucléaire et de Physique des
Particules
(2) INSU : Institut National des Sciences de l’Univers
(3) DSM : Direction des Sciences de la Matière
Dapnia : Département d’Astrophysique, de physique des
Particules, de physique Nucléaire et de l’Instrumentation Associée