Une équipe internationale d'astrophysiciens,
regroupant des chercheurs français du CNRS(1,2)
et du CEA(3), a observé pour la première fois le rayonnement gamma de très
haute énergie en provenance du plus proche « noyau
actif de
galaxie », au sein de la radio-galaxie
Centaurus A. Le
flux faible a été découvert par le système de télescopes H.E.S.S. en
Namibie, actuellement l'un des instruments les plus performants dans ce
domaine.
(résultats publiés dans le dernier volume de Astrophysical Journal
Letters)
Les noyaux actifs de galaxie sont
parmi les
sources les plus énergétiques dans l'Univers. On soupçonne
qu'un
trou noir super-massif se dissimule au centre de chacun d'entre
eux. A son voisinage, les particules chargées (électrons et
protons) sont accélérées jusqu'à des vitesses proches de celle de la
lumière, et sont éjectées sous forme de jets de part et d'autre de la
galaxie. Centaurus A, située dans la constellation
du
Centaure, est une des galaxies les plus brillantes du ciel
nocturne. Sa proximité permet des études approfondies de son
noyau actif et ses environs. Centaurus A couvre une
région
du ciel de plus de cent fois la taille apparente de la pleine Lune
– mais cette large extension n'apparaît qu'aux fréquences
radio,
seule la galaxie hôte étant visible à l'oeil nu.
Les
télescopes de « High Energy Stereoscopic System »
(H.E.S.S.)
situés en Namibie viennent de découvrir une émission gamma à très haute
énergie en direction de Centaurus A. H.E.S.S. est
constitué
de quatre télescopes identiques de treize mètres de diamètre,
construits et exploités par une collaboration internationale.
Ses
caméras ultra-rapides enregistrent les flashs ténus bleutés provenant
des cascades de particules, elles-mêmes issues de l'interaction des
photons gamma dans l'atmosphère.
Cette émission gamma de
Centaurus A est tellement faible que plus de cent heures
d'observation ont été nécessaires pour la révéler. Le signal
détecté provient du centre de la galaxie et des régions internes des
jets. Néanmoins, avec les données actuelles, il n'est pas
encore
possible d'identifier l'origine exacte de cette émission. Ces
rayons gamma, mille milliards de fois plus énergétiques que la lumière
visible, sont vraisemblablement produits lorsque des particules
accélérées à des énergies extrêmes au voisinage du trou noir central,
interagissent avec les champs de radiation et/ou le milieu environnant.
La
détection de rayons gamma de très haute énergie en provenance de
Centaurus A soulève la question plus générale de savoir si une
telle propriété est commune à tous les noyaux actifs de
galaxie.
Pour répondre à cette question, des observations plus approfondies de
Centaurus A et d'autres systèmes similaires sont donc
nécessaires. Les futurs instruments, d'une sensibilité
accrue,
devraient dévoiler davantage de sources gamma de cette classe émergente
et, ainsi, déterminer les processus mis en jeu.
Un très
grand télescope de trente mètres de diamètre est actuellement en cours
de construction afin d'améliorer les performances de l'expérience
H.E.S.S., et sera mis en service en 2010. Dans un avenir plus
lointain, le projet européen « Cherenkov Telescope
Array »
(CTA) est à l'étude. Cette observatoire gamma consistera en
un
réseau d'une centaine de télescopes, augmentant ainsi la sensibilité
d'un facteur dix au regard des instruments de génération actuelle.
Liens associés:
Notes sur HESS
La collaboration HESS : Les télescopes HESS
(High Energy Stereoscopic System, système
stéréoscopique de haute énergie) sont le résultat de plusieurs années
d’efforts
par une collaboration internationale de plus de 100 scientifiques et
ingénieurs
en provenance d’Allemagne, France (voir encadré), Grande-Bretagne,
Irlande,
République Tchèque, Arménie, Afrique du Sud, Pologne et du pays hôte,
la
Namibie.
L’instrument a été inauguré en septembre 2004 par le Premier
ministre de
Namibie, Theo-Ben Gurirab, et les premières observations ont déjà
permis de
nombreuses découvertes importantes, dont la première image astronomique
résolue
d’un reste de supernova en rayons gamma de haute énergie. La France
participe
à son financement à hauteur d’un tiers.
Le détecteur : L’expérience HESS
située en Namibie, dans le sud-ouest de l’Afrique,
utilise quatre télescopes de 13m de diamètre qui forment actuellement
le
détecteur de gammas de très haute énergie le plus sensible au monde.
Les rayons
gamma qui pénètrent dans l’atmosphère génèrent une cascade de
particules. Ces
particules émettent un flash de lumière bleue peu intense, appelée
lumière
Tcherenkov
et ne durant que quelques milliardièmes de seconde. Cette lumière
est réfléchie par des miroirs de 107 m² puis enregistrée par
des caméras
ultra-sensibles. Chaque image permet de calculer l’énergie et la
direction
d’arrivée dans le ciel d’un photon gamma. Cette direction correspondant
à une
position sur la sphère céleste, HESS peut ainsi cartographier les
objets
célestes émettant un rayonnement gamma de haute énergie.
Projet à venir : Les chercheurs
impliqués dans HESS sont en train de continuer à améliorer
le système de télescopes installé en Namibie. La construction d’un
télescope
central de plus de 30 m de diamètre est en cours, avec la participation
de
nouvelles équipes européennes comme celle de la Pologne. Le dispositif
plus
performant, appelé HESS-II, sera plus sensible et couvrira une gamme
d’énergie plus large permettant ainsi aux chercheurs de HESS
d’augmenter la
catalogue des sources et de faire de nouvelles découvertes.
Notes :
(1) IN2P3 : Institut National de
Physique Nucléaire et de Physique des
Particules
(2) INSU : Institut National des
Sciences de l’Univers
(3) DSM : Direction des Sciences de la
Matière
IRFU (Institut de recherche sur les
lois
fondamentales de l'Univers), Saclay